2008: 30ème anniversaire de FARAFINA
L’appel mélancolique de la flûte se mêle aux voix du vent dans les roseaux. Un jeune berger Peul rêve de son lointain Sahel au sol craquelé par la sécheresse. Là-bas, au Nord, il a laissé la belle de son coeur. Et il chemine vers l’Ouest par la savane. Il va rejoindre la ville royale des Dioulas, Bobo-Dioulasso. On lui a dit qu’il trouverait au quartier de Bolomakoté un éminent maître du balafon, chef d’un fabuleux orchestre connu jusqu’au pays des neiges…
Ainsi pourrait commencer le film retraçant l’histoire de Farafina. Des personnages simples et sincères, des décors dépouillés, une violente passion commune mêlant musique et danse entraîneraient la troupe, à travers un tourbillon irrésistible de transe joyeuse et communicative, à la rencontre des peuples de la terre.
Farafina, c’est d’abord un esprit, une idée de la musique du Burkina-Faso, ancienne Haute-Volta, grande comme deux Angleterre, mais qui compte à peine 7 millions d’habitants. A Bobo-Dioulasso, l’art des griots se perpétue depuis les temps reculés de l’empire mandingue. Une émulation forte, stimulée par la « Semaine nationale de la culture », en fait un formidable creuset de talents pour la musique et la danse.
Farafina, c’est une « école », un lieu de transmission entre musiciens d’expérience, les « anciens » et jeunes passionnés. Les petits commencent à porter les instruments de ceux qui savent pour aller animer les mariages. Au début, ils chantent en tapant sur des pierres ou des instruments de fortune. Et s’ils paraissent doués, on leur donne un bara ou un djembé pour s’exercer. A Bobo, pas moins de trois troupes sont issues de cette « école Farafina » qui représentent plus de 25 personnes. Celle des petits et celles des jeunes animent les mariages, les baptêmes. Quant à la troupe internationale, constituée des meilleurs, elle se réunit essentiellement avant les tournées.
Farafina a été fondé en 1978 par Mahama Konaté, virtuose du balafon, ancien membre du Ballet National de Haute-Volta. Il reste le père spirituel de l’ensemble qui interprète nombre de ses compositions. Lorsqu’en 1982 Farafina présente pour la première fois son spectacle en Europe, son répertoire est très traditionnel. Progressivement, son style va évoluer vers de nouvelles formes. Les collaborations avec Jon Hassell pour l’album Flash of the Spirit, les Rolling Stones pour un morceau de Steel Wheels, Ryuichi Sakamoto pour certains titres de Beauty, Faso Denou, album produit par RealWorld dans les studios de Peter Gabriel, sous la houlette de producteurs aussi compétents que stupéfaits de tant de force et de beauté, Billy Cobham et Daniel Lanois, une création avec l'instrumentarium monumental de Robert Hébrard présentée à Grenoble lors du festival 38e Rugissants, une autre présentée l'année suivante lors du Montreux Jazz Festival, en compagnie d'un quintet de jazz formé entre autres de Paolo Fresu à la trompette et Djamel Ben Yelles, le violoniste virtuose de la musique raï, vont accentuer cette tendance, sans modifier l’intégrité de l’inspiration collective de Farafina.
Architecture polyrythmique à la fois complexe et limpide, la musique de Farafina est avant tout moteur irrésistible de danse. La charpente rythmique se structure autour du tama (petit tambour d’aisselle), des deux balafons (xylophones en bois dont le son des lames est amplifié par des calebasses), du bara (calebasse ventrue tendue de peau de chèvre) et du doumdou’ba (tambour basse au long fût) ; fondation sur laquelle peut s’envoler le djembé (tambour soliste au calice de bois tendu de peau de chèvre). La flûte Peul et la kora apportent la dimension harmonique, un appel d’air pour les voix.
Réinventées par les rencontres avec la modernité, les influences mandingues, les mélodies des peuples du Niger et du Mali, les chants et les tambours du Ghana et du Bénin, les légendes de la cité de Kong sont aussi fondues dans l'or de Farafina.
En hommage à Mahama Konaté, notre inspirateur.
A nos chers disparus : Paco Yé Adama, Tiawara Keita, Seydou Ouattara, Dembele Dedougou